mercredi 4 novembre 2009

Death Wall




Petit, j’étais fasciné par les machines à laver.

Plus large qu’un trou de serrure, il y avait l’œil du cyclope qui faisait qu’on pouvait regarder dedans, pendant que le linge continuait à tourner, avec les GLONG des ferrures de salopettes contre le tambour en inox.

Je passais des heures à essayer de suivre des yeux les culottes et les serviettes de toilette, avec des séances pour la couleur et des séances en noir et blanc, celles que je préférais. Mais la mousse engluait tout ça dans un magma de textile et de cellulose et je n’y comprenais plus rien quand ça se mettait à aller vite.

En automne, c’était la grande Kermesse près du canal, avec ses odeurs et ses couleurs. On a tout écrit sur le son des manèges et le goût des barbes à papa… J’insiste pas.

Mais ce que je préférais, c’était le mur de la mort.

Ca me tuait le coup des motos-qui-collent-au-mur, et la magie opérait dès qu’on s’approchait de l’estrade des bonimenteurs. Des gus qui parlaient dans un micro entouré d’un chiffon, devant les machines qui allaient imiter un T-shirt sale dans un cylindre en bois.

J’en perdais pas une miette, attentif à la sonorité des mots qui évoquaient des endroits de records du monde, des noms de pays que je cherchais ensuite dans Tout l’Univers.

Suivait la présentation des pilotes, devant les machines qui sentaient l’huile et l’essence. Je restais un moment à tanner mes parents pour un tour dans le tambour qu’ils m’accordaient finalement, mon petit frère préférant les autos tampons.

L’architecture du lieu était simple, bâtie autour d’un cylindre construit en lattes de bois, assemblées sur une structure de métal. Une coursive tout en haut du cylindre, avec des gens qui regardaient le fond de la cuve où stationnaient les engins.

Je dépassais à peine mon nez de la balustrade. Mais j’en perdais pas une miette, attendant que l’espace se remplisse du bruit des moteurs, que dans un élan décisif le pilote dirige sa moto près de mon visage, sentir plus près la chaleur du moteur, l’odeur de la gomme des pneus.

Et puis tout ça se mettait à tourner dans un boucan du tonnerre de Dieu, et le plancher vertical vibrait à mesure qu’il avait à supporter le poids de l’engin, dans une « olla » magnifique et progressive.

La dramaturgie de la séance imposait une gradation dans la prise de risque.

C’était d’abord des tours classiques avec une moto ou un engin à quatre roues. Et puis le pilote écartait les bras et ça devenait grandiose ; alors il grimpait sur la selle de sa moto, et c’est debout sur la machine qu’il saluait le public.

Moi j’attendais qu’il redescende sur terre. J’avais hâte de savoir comment il allait s’y prendre pour arrêter sa moto. Une mécanique ascétique avec l’essentiel autour d’un moteur qui devait provenir d’une Indian, parce que je me souviens de la tête d’Indien sur le garde boue avant, quand il y en avait un.

Mais l’atterrissage ne posait jamais de problème. C’était comme si la pesanteur avait raison de l’énergie mécanique et finalement le pilote se révélait simple piéton tout en bas de la fosse, une fois descendu de sa moto rouge.

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