Lucien avait le don des bûches.
Il n’avait pas son pareil pour réussir ce dessert, sur une base de biscuit mou qu’il roulait dans un torchon et nappait de crème fraîche. C’était un as du gâteau festif, rapport au fait qu’il était pâtissier de métier et gourmand de naissance.
Alors quand l’anniversaire du Piero a pointé son nez, on s’est tourné vers le bonhomme et on a commandé ce qu’il fallait pour une soirée chez Pete. On s’est réparti les tâches et les filles ont de suite voulu s’occuper de la déco du hangar, ce qui revenait à acheter des dizaines ballons qui finiraient de toutes façons éclatés entre deux poitrails de viandes saoules.
Au final c’est à moi qu’est revenue la responsabilité du convoyage du gâteau, vu que j’avais les sacoches et le rack BUCO, le plus large à l’époque.
Dès 20 heures, j’allais me pointer derrière la boutique et charger l’œuvre dans une caisse en bois spécialement conçue pour éviter les fuites. La garniture prévue était fournie en kit et ça rentrait dans les sacoches sans problème.
Ca avait été assez facile de glisser le biscuit dans son logement et de caler le truc avec des serviettes à carreaux. Après les recommandations du chef j’ai kické la bécane et pris le chemin de la grange, en évitant les nids de poule et les caisses à savon des gamins.
J’ai tourné après la ville et suivi le chemin qui conduisait jusqu’à notre repaire, dont la porte s’ornait maintenant d’une banderole peinte avec dessus : HAPPY BIRTHDAY PIERO. On entendait déjà le son du Rock qu’on aimait et je me suis dépêché de porter tout ça dans la petite pièce qui tenait lieu de cuisine.
C’est quand j’ai soulevé le couvercle de la boîte que j’ai compris qu’un cadre rigide avait ses limites dans le transport des vivres. Le gâteau n’avait pas tenu le choc. Il allait falloir reconstruire.
On s’y est mis à deux avec Jane à l’aide de cure-dents et de blanc d’œufs. On a armé la pâte en y plantant des bouts de bois et recouvert le tout de crème en brossant l’enduit avec un peigne à cheveu. Ca m’a rappelé mon premier chantier de maçon et le résultat valait le coup. On a rajouté les petites sucreries de couleur et c’est moi qui ai eu l’idée de la petite moto sur le gâteau, construite à partir de mie de pain ramollie à la salive et sculptée aux doigts.
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