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Jusqu’aux lignes de fuite qui indiquent forcément que le pilote est allé pisser derrière le bâtiment ou est rentré dans un lavabo par l’une des deux portes latérales, ou qu’il attend de faire la monnaie hors du cadre mais qu’importe car ici, le vrai sujet est la suspension du temps.
Dans une réalité de transit, de rencontre et de mouvement.
D’échange aussi, avec en fond de toile, le déroulé des chiffres du compteur comme seul repaire de panne d’essence, la ronde des numéros qui s’affichent dans le cadran des pompes, le nombre magique des gallons qui remplissent le réservoir, jusqu’au lettrage des pubs et la bannière US qui marque un territoire. Des dollars contre la promesse du mouvement.
L’Hydraglide penche sur sa béquille latérale, et cette oblicité humanise un lieu tout tiré de traits rectilignes et ennuyeux, sonorise un silence de trou de mémoire.
Sans la bécane, ne resterait que l’instantané d’une station aseptisée et névrotique, une image d’Amérique embaumée de perfection. Une morbidité de solitude.
Tout à l’heure, la scène va s’animer. Le décor va se remplir de gens, d’autres véhicules vont rentrer dans le champ. Le point d’orgue restera le départ du motard, le casque posé sur la tête d’un homme ou d’une femme éminemment acteur impliqué dans le casting.
Il y aura le moment du sanglage des affaires sur le rack arrière, le moment du coup de kick, le moment de l’enfilage des gants, des lunettes, tout ce rituel de départ et de montée de chauffe. Le retour du mouvement sera comme un appel confus vers un espace désiré et l’enchevêtrement bienvenu des lignes sera un apaisement.
Peut-être y aura-t-il un air de musique country ou de R’nd Roll pour saluer ce retour à la vie, peut-être il n’y aura rien que le son du moteur et ça sera bien comme ça.
Miami, 3 août 2008
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