mardi 3 août 2010
Bungalow
C’était comme si on avait posé une boîte à chaussures en équilibre sur une dune de sable, une structure de carton rigide à l’échelle d’une vraie maison.
Des néons parmes traçaient dans la nuit le corps sexy d’une Baby Dole dont la pointe du sein droit avait disparu avec la dernière surtension électrique. Lorsqu’on avançait au bout d’une enfilade de boutiques de fringues bon marché, de laveries automatiques éclairées la nuit, de brasseries à touristes, on percevait, avant le bruit des vagues, le grésillement des papillons prisonniers de la lumière des réverbères, plantés devant la boîte à chaussure.
C’est là qu’était posé le dernier saloon de la petite station balnéaire, dernier bistrot avant Alger, de l’autre côté.
Les échoppes étaient regroupées dans la rue principale.
Une voie étroite menait jusqu’à un parking protégé par une barrière rouge et blanche que l’employé municipal levait au début de l’été, libérant un accès privilégié à cette plage toute proche.
Parvenu au terme d’une transhumance estivale jusqu’à cette frontière, le touriste descendrait de son véhicule pour enjamber une dune hérissée de rangées de piquets de bois et découvrir un espace de jeu débarrassé des dernières scories du petit commerce.
D’aucuns, certaines nuits d’hiver, avaient oublié cet arrêt obligatoire pour sauter la dune au volant de leur voiture et achever leur course sur la plage, les roues dans l’eau salée, immobiles et surpris. C’était connu.
L’image, incongrue, nourrirait le lendemain la chronique du journal local, comme l’aveu d’une baignade de nuit qui aurait mal tourné.
Ce lido de sable, c’était le devant de porte du Bikini.
La boutique ouvrait à partir de 10H00, tous les jours de début avril au mois de septembre. Un bistrot saisonnier qui faisait aussi restau à tapas, et dont la couleur sur les murs évoquait immanquablement les parfums des crèmes glacées italiennes : la vanille pour les murs, la pistache pour le plafond percé d’un immense ventilateur, tournant de guingois depuis qu’un touriste éméché s’y était suspendu comme à une branche de palmier.
Dans la salle principale du restaurant, des petites tables en formica cernaient un juke-box toujours en panne. Une collection de vaporisateurs Flytox, suspendue au plafond par des fils de nylon, renvoyait au destin d’un essaim de mouches réincarnées en tubes pistonnés.