« C’est pas pareil, quand tu
portes une casquette, ta tête elle respire et ça donne un style qui va bien, tu
ne trouves pas ? »
J’ai posé la photo sur le bureau, à côté du verre de
Bourbon. C’était un cliché de 1947 et j’ai reconnu le Knucklehead qui dormait
dans le garage, impeccable.
« Tu t’en es jamais séparé ? » j’ai
demandé.
« Tu parles de la moto, évidemment ». Pete
a souri, et, posant son doigt sur le cliché : « Finalement, j’ai
perdu l’une en gagnant l’autre… ».
On s’est assis pour mieux goûter au liquide ambré
qui refroidissait autour des glaçons et j’ai écouté l’histoire de Jeanne et du
Knuck, pendant une partie de la nuit.
On avait laissé les fenêtres ouvertes pour que
l’obscurité pénétre dans la maison, et le silence alentour tenait son personnage
dans cette histoire de vie, comme un témoin grave et bienveillant.
Avant l’aube, on est sorti sur le perron pour goûter
à la fraîcheur des arbres. J’avais perdu l’habitude de ces heures de veille et
le sommeil a embué mon regard un moment.
Le son grave du moteur m’a alors sorti d’une vague
somnolence. Recouvrant mes esprits, j’ai eu le temps d’apercevoir Pete lançant
sa moto dans la pâleur timide de l’aube, tel un sombre animal pénétrant au cœur
noir de la forêt.
OREGON, le 12 septembre 1973
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